Le futur, combien de divisions ?

Article paru dans L’Atelier des Futurs, 7 avril 2023

Le point de départ des « ateliers d’atterrissage » d’un récent projet de prospective sur le futur de l’Entreprise était pour le moins radical : il s’agissait d’imaginer qu’en 2050, l’entreprise s’était transformée en l’une des 12 entreprises fictionnelles imaginées en amont dans le cadre du projet, avec l’aide d’écrivains et d’écrivaines de science-fiction. Les participant·es n’avaient même pas le choix : ainsi, telle grande société d’assurance était devenue une sorte de réseau d’Ephad qui mettait les personnes âgées au travail en orbite terrestre, telle banque se transformait en une sorte d’agence de projets de régénération environnementale…

Toutefois, après un moment d’hésitation, les participants et participants parvenaient à raconter l’histoire qui reliait leur présent à ce futur arbitraire et, chemin faisant, laissaient surgir des questions essentielles sur leur entreprise, des bifurcations entre lesquelles elle aura à choisir, des signaux faibles auxquels elle ne prêtait jusqu’alors que peu d’importance.

Cet exemple invite à réfléchir sur ce qu’est le futur. Les futurs proposés n’étaient pas forcément souhaitables, ni tellement probables, voire pas vraiment possibles, et pourtant ils s’avéraient féconds. Chaque groupe travaillait dans un futur assez différent de celui des autres, et pourtant ils avaient des choses à se dire, des pistes à partager.

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Explorer les futurs du travail à l’aide des arts et de la fiction : retour d’expérience

Article de Daniel Kaplan & Ingrid Kandelman paru dans Communication & langages, vol. 210, no. 4, 2021

La prospective est une discipline qui vise à agir dans le présent de manière à influencer le futur. Elle connaît aujourd’hui une forme de « tournant fictionnel » qui vise à mieux explorer des futurs en rupture, à rendre la pratique prospective plus inclusive et à permettre aux individus de prendre conscience de leur capacité à transformer leur environnement. L’article rend compte d’une expérimentation sur les futurs du travail fondée sur l’usage de la fiction. Entre 2018 et 2020, trois ateliers ont testé différentes approches auprès de publics issus d’entreprises. Ils ont montré que le recours à la fiction facilite l’établissement du dialogue au sein de groupes hétérogènes, qu’il aide les individus à s’abstraire des discours dominants sur le futur, et qu’il leur permet de se percevoir comme des acteurs du changement. En revanche, des méthodes restent à développer pour faciliter le passage entre l’imagination de futurs alternatifs et la construction de chemins concrets de transformation.

L’intégralité de l’article peut être consultée sur Cairn >>

Projet Narratopias : à la recherche de « nouveaux récits »

Daniel Kaplan & Chloé Luchs – Paru dans Usbek & Rica le 27 septembre 2021

Comment quelque chose d’aussi fragile qu’un (ou plusieurs) récits pourrait-il s’opposer à un phénomène aussi massif que le changement climatique ? Par la mutualisation des mots, des discours, des idées capables de faire bouger les lignes de notre système de représentation mentale. Tel est le projet de Narratopias, selon Daniel Kaplan et Chloé Luchs-Tassé.

Le temps est donc venu de produire les narratifs de demain », écrivait Laurence Monnoyer-Smith, ici-même, dans sa tribune du 19 mai, qui annonçait le projet Narratopias. Elle précisait : « ceux qui sauront susciter le désir des femmes et des hommes pour un autre monde, soutenable celui-ci. » Cet appel à un ou plusieurs « nouveaux récits » retentit un peu partout. Au Forum Économique Mondial : « nous avons besoin de nouveaux récits afin de rassembler en faveur d’un monde plus inclusif et durable à un moment où, comme l’affirme Greta Thunberg, « notre maison brûle » ». Chez Pablo Servigne, pourtant assez éloigné de Davos : « L’enjeu, aujourd’hui, est de s’accorder sur un récit (ou plusieurs), et de le co-construire ensemble. De s’ouvrir de nouveaux horizons. » Chez la philosophe Isabelle Stengers : « S’il existe une post-anthropocène qui mérite d’être vécue, celles et ceux qui l’habiteront auront besoin d’autres récits, où aucune entité n’occupe le centre de la scène. »

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