Article intégré dans l’ouvrage Internet peut-il casser des briques ?, republié dans Internet Actu le 2 octobre 2012.

La « ville intelligente » se propose aujourd’hui comme une sorte de solution miracle, capable de produire une ville à la fois plus sûre, plus attractive, mieux gérée et plus durable. Ses promoteurs ont raison de dire que l’information constitue aujourd’hui un actif sous-exploité au service du développement urbain. Mais ce potentiel ne se réalisera qu’en dépassant les trois impasses conceptuelles des « smart cities », telles qu’on les pense aujourd’hui : la priorité aux services, l’approche de la ville comme un « système » à optimiser, et l’occultation des enjeux de pouvoir.
Au début 2011, plusieurs grands maires européens montaient sur les estrades pour annoncer avec fierté leur nouveau programme innovant : la « ville sans contact ». Les industriels qui les accompagnaient à la tribune voyaient très bien de quoi il s’agissait : en gros, de l’utilisation de puces d’identification NFC, qui peuvent en effet être lues rien qu’en les approchant d’un capteur, pour accéder à toutes sortes de service urbain. Mais l’on imagine assez bien la réaction d’un citoyen ou d’un élu un peu plus candide : ah bon, c’est bien que la ville soit désormais « sans contact » ? Naïvement, on aurait cru le contraire…
Bien sûr, les maires ne voulaient pas dire ce qu’ils ont dit ; mais ils l’ont dit. Pourquoi ? Parce que toute l’industrie leur a mis ces mots dans la bouche. Sans non plus penser à mal. Mais sans jamais trouver en leur sein un seul consultant, chercheur, patron, qui les retienne.
Il y a là matière à nous faire réfléchir à la manière dont la technologie s’offre aujourd’hui en réponse aux plus complexes, aux plus politiques des défis économiques et sociaux. Et il n’y a guère plus politique que la ville. (…)
Il se passe aujourd’hui quelque chose de vraiment neuf au croisement des dynamiques d’innovation urbaine et du numérique. Dans les villes et les quartiers, des centaines d’initiatives individuelles, entrepreneuriales ou associatives, s’appuient sur les outils et les réseaux numériques pour résoudre des problèmes locaux, recréer du lien, organiser un événement, voire pour inventer de nouvelles formes de services publics. Une formidable énergie attend d’être libérée pour proposer des réponses neuves aux tensions urbaines d’aujourd’hui – compétitivité et exclusion, développement durable et mobilité, individualisation des modes de vie et identité collective…